Les savants Maîtres
Par le biais de très éminents sinologues, dont les principaux furent des Jésuites en mission, les européens se sont fortement intéressées à la Chine depuis le 17e siècle. Rendons hommage aux nombreux et importants travaux des missionnaires de l’Institut Ricci et à son éminent dernier représentant en France, le RP Claude Larre.
Les auteurs
Depuis 1939, nous possédons l’extraordinaire travail sur l’Acupuncture de Monsieur Georges Soulié de Morant.
Depuis cette période, la France a essaimé sa connaissance de l’acupuncture dans toute l’Europe (voir l’historique de l’acupuncture dans le monde occidental) mais elle a surtout compté de nombreux chercheurs ayant exploré le Nei King 內經 (Neijing) Sou Wen 素問 (Su Wen) et Ling Chou 靈樞 (Ling Shu). Ces chercheurs suivis par des vagues successives de nouveaux praticiens ont permis de mieux comprendre des énigmes alors insurmontables.
Il y a encore 35 ans, la connaissance et la pratique de l’acupuncture en France étaient encore avancés, mais rudimentaires quant à la compréhension de ces textes vénérables, véritables trésors de l’Humanité.
Les progrès de compréhension accomplis depuis 1960 sont énormes tandis que la Révolution Culturelle en 66 plongeait la Chine vers l’abandon de ses propres racines.
La France
Tandis que l’Europe restait marquée de l’empreinte de Georges Soulié de Morant, la France faisait de gigantesques pas en avant, dépassait ses premiers travaux, pour devenir aujourd’hui sans aucun doute un des pays qui connaît le mieux la pensée, l’acupuncture, et par extension la médecine traditionnelles chinoises.
Les praticiens et quelques sinologues français sont parmi les plus savants (avec la Californie, Taiwan et Hong Kong, où existaient encore vers les années 1970 les deux plus grands Instituts d’Acupuncture Traditionnelle et de médecine chinoise ayant formé nos Maîtres Français et nombre des Praticiens Traditionnels Français…).
Nous avançons cette opinion de place de leader mondial sans chauvinisme mais à partir d’une observation, aussi objective que possible, depuis notre participation à plusieurs Congrès internationaux, notamment sous l’égide de la Société Internationale d’Acupuncture – SIA (Chairman, le Docteur Jean Schatz, Président pour la France, le Docteur De Timowsky).
Plusieurs traductions du Neï King 內經
- Le docteur Albert Chamfrault. Son travail reste une somme importante de connaissances, notamment en acupuncture, phytothérapie et nutrition énergétiques chinoises traditionnelles.
- Le docteur Albert Husson. Sa traduction du So Ouenn fait toujours autorité et a été une des meilleures depuis plusieurs décennies
- Le docteur André Duron. Ces dernières années, nous avons pu, enfin, bénéficier de la parution tant attendue de sa traduction enrichie des commentaires de M. Laville Méry. Celle-ci a été le fruit du travail d’une équipe de huit personnes, dont le Docteur Berladier, M. Charles Laville Méry, Jacques Martin Hartz, un Chinois, un Vietnamien…), dirigée par le Docteur Duron.
Leurs travaux, très critiques et érudits, attestent de la qualité, de la fidélité et de la fiabilité de la traduction.
L’atout majeur, en plus de l’extrême rigueur de leur travail, est la présence dans le texte des commentaires du Maître Wang Bing et de M. Charles Laville Méry, éminent connaisseur de la Tradition.
En 1954, trois autres précurseurs rencontrent M. Laville-Méry pour lui demander d’apprendre l’acupuncture. Il les fait recevoir dans les Instituts déjà cités. Il s’agit du Dr Jean Schatz, futur Président de la Société Internationale d’Acupuncture, d’André Faubert qui occupera par son enseignement et ses ouvrages un rôle majeur pour le développement de cette médecine en France, et de Jean Louis Blard, praticien d’une grande expérience et co-fondateur de IEATC avec Thierry Bollet en 1979.
Monsieur Laville-Méry, après 40 ans de pratique de l’Acupuncture Traditionnelle, confiait un jour en séminaire s’être rendu compte à deux reprises dans sa vie de ne pas avoir compris l’acupuncture et avoir dû la réapprendre une troisième fois.
Les énigmes contenues dans le Classique de l’Acupuncture Traditionnelle chinoise ancienne se dévoilent progressivement au fur et à mesure que des chercheurs dénouent cet écheveau et comprennent de mieux en mieux son contenu.
La connaissance de l’énergétique s’enrichit, et la pratique acupuncturale atteint chez certains les niveaux d’excellence des anciens grands Maîtres.
Immédiatement à la suite de cette publication, nous avons connu celle du Docteur Lavier, chirurgien dentiste, fameux professeur et praticien acupuncteur, formé à Taiwan par le Professeur Wu Weï Ping et ayant largement apporté sa contribution à la connaissance de la Tradition parfois la plus ésotérique.
Sa traduction du Sou Wen 素問, conforme aux enseignements anciens, est entièrement rédigée sous forme de poèmes ou contines. Plus un texte chinois traduit ou non est antique, plus on est sûr de sa qualité même en tenant compte d’un perfectionnement du savoir des Chinois sur les méridiens et les points d’acupuncture au fil des siècles.
Les Pouls
C’est la méthode principale et fondamentale du bilan énergétique d’un Acupuncteur Traditionnel. Le Sou Wen 素問 enseigne que le Grand Ouvrier pose son bilan énergétique principalement à partir du pouls et du teint du visage.
La prise du pouls comprend l’examen de l’artère radiale, bien connue en Occident, mais qui est, sans comparaison possible, et beaucoup plus vaste que ce qui se pratique ici. Elle apporte une foule de renseignements sur tout le fonctionnement énergétique, organique, psychologique etc. du patient.
Cette méthode est unique au monde et permet de considérer le patient et non sa maladie, traiter la cause énergétique et non les symptômes, c’est-à-dire d’appliquer un traitement strictement individualisé.
Sans la prise de pouls énergétique, cela est impossible. Une édition apocryphe, le Mai Siue (Maixue ou « secret du pouls »), attribué à Wang Chou Ho 王叔和 (Wang Shuhe), fut publiée sous les Cinq dynasties (907-960).
Une réédition du Mai King 脈經 (Maijing ou « Classique des pouls » fut revue par Lin Yi (c. 1068) et connut une diffusion universelle notamment en persan et en arabe par les copistes de Rachid Al-din (c. 1257-1318). Sa première traduction du Latin en Français est dûe au R. P. Hervieu en 1735, et fut intégrée dans le grand ouvrage du R.P. Halde (1736).
Sous les Tang, le Médecin impérial Ts’in Ming Ho 秦鳴鶴 (Qin Minghe) guérit l’Empereur Kao tsong 唐高宗 (Tang Gaozong 628-683) au risque de perdre sa propre vie. L’Empereur Kao Tsong, lamentable empereur, connaissait l’innocence des victimes qui allaient être exécutées, mais n’osait réagir. Seulement le remords rongeait sa santé. Il fut bientôt affligé de vertiges et de céphalées; sa vue devint tellement affectée que les affaires de la Cour commencèrent à en souffrir. Après avoir diagnostiqué le cas, Ts’in Ming Ho suggéra que quelques gouttes de sang soient prélevées d’un point d’acupuncture de la tête.
Lorsque l’Impératrice Wou Tsö t’ien 武則天 (Wu Zetian) entendit cela, elle fut épouvantée et exigea que l’on décapite le médecin. La tête de l’Empereur n’étant pas un endroit convenable pour y retirer du sang. Mais l’Empereur souffrait tellement qu’il décida de laisser faire le médecin, et dès que Tsin Ming Ho eut traité le Paé Roé 白會 (Bai Hui 20TM), la vision de l’Empereur fut rétablie et il retrouva la santé.
Au cours des dynasties Sui (581-617) et Tang (618-907) se déroule une longue période de prospérité pour la Chine où l’acupuncture se développe pleinement. Souen Sseumiao 孙思邈 (Sun Simiao 581 – 682) est l’auteur d’une grande collection médicale contenant une bonne étude de la lèpre, des ulcérations génitales et leur traitement. Cet auteur a écrit le plus ancien traité chinois d’ophtalmologie, le yin hai jing wei, connaissance exhaustive de la mer d’argent, et y exposait les contre-indications en acupuncture. Il développa la règle de conduite de l’énergie sans utiliser les règles de tonification et de dispersion. Wang Ping 王冰 (Wang Bing ) grand érudit et premier médecin de la cour en 762, décida de vérifier l’authenticité des King (Livres fondamentaux) en circulation. Il rédigea et commenta l’édition du Sou Wen généralement utilisée actuellement.
L’Empereur Sin Chi-hoang Ti (Qin shi huangdi 259 – 210 av. J.-C.) voulut que l’histoire de la Chine commence avec son règne. Pour cela, il lui fallait détruire toute trace du passé. Afin d’être sûr du résultat, il fit changer l’écriture; ainsi, les intellectuels ne pouvaient plus comprendre les anciens enseignements contenus dans le dessin lui-même des idéogrammes; il subit l’influence et la pression de la caste des Légistes et emprisonna les lettrés (Taoïstes, Confucianistes), fit brûler tous les Livres Classiques et interdit sous peine de mort toute référence à la Tradition et à l’Antiquité. Il est étonnant de voir que le Président Mao fit exactement la même chose presque 2000 ans après, pour mettre en place la Révolution Culturelle.
Heureusement, après la disparition de cet Empereur, des Chinois réussirent à reconstituer de mémoire les textes dont ils pouvaient se souvenir et un Chou King 書經 (Shujing) ancien (cet ouvrage est un des plus vénérés des ouvrages philosophiques anciens) fut, paraît-il, retrouvé caché dans un mur de la maison de Confucius.
Cependant, la plupart des ouvrages ainsi reconstitués contenaient de nombreuses erreurs, voire n’étaient pas des livres de l’antiquité mais seulement des écrits tardifs.
Wang Ping 王冰 (Wang Bing) vérifia, corrigea et authentifia les ouvrages de référence. Il s’illustra d’abord par ses commentaires critiques du Sou Wen en une étude sur son authenticité, son origine, son fond et sa forme. Il a laissé aussi une édition commentée du Neï King. L’ouvrage, perdu à l’époque Tang, fut recomposé sous les Song et les Ming, édité une première fois en 1931 puis réédité en 1955 à Shanghai (cet ouvrage aurait, principalement, contribué aux travaux du Dr Duron).
C’est avec ce Sou Wen que nous travaillons et à partir duquel votre cours est établi.
Le Ta Tchreng 針灸大成 (Zhen Jiu Da Cheng – Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion) publié en 1601 par Yang Ji zhou (1522-1620; dyn. 明 Ming), importante source des travaux de Georges soulié de Morant, est un recueil dans lequel sont consignées la plupart des méthodes utilisées jusque là.
Signalons aussi que, d’après le Professeur Leung Kok Yuen, certaines méthodes utilisées auraient pris naissance à partir de mauvaises interprétations du Neï King.
Elles ont été commentées (en 225 A.V. J-C) dans un ouvrage célèbre, le Nan King 難經 (Nanjing – le Classique des Difficultés). Ce traité en 2 volumes, est attribué à Pien Tsio 扁鵲 (Bian Que), personnage semi-mythique de l’époque des Royaumes Combattants (- 225). Son nom devint celui de tous les médecins célèbres. Il était capable de voir les organes internes à travers la peau et prétendait ne devoir faire l’examen du malade que par l’examen du pouls. On lui attribue des greffes d’organes sous anesthésie par des vins narcotiques.